" Vous, les mécanos, par votre labeur opiniâtre de chaque jour, labeur obscur et parfois ingrat, nous vous gardons de la reconnaissance au fond de notre coeur." Lt Girard (Cdt Spa 160), le 25 août 1940 à Meknes. |
Jean
PROTT est né le 13 mars 1920, à Reims. A 15 ans il commence son
apprentissage de métallerie et d'ajustage, et une fois de solides
bases acquises s'oriente vers les spécialités de l'automobile, tout
en suivant dès octobre 1937 les cours de mécanique avion de l'Ecole
Technique de la BA 112 de Reims, grâce à son titre d'orphelin-victime
de guerre 14/18. |
Affectés le 13 mai 1939 au GCII/4, 3ème escadrille, nous sommes logés dans un baraquement préfabriqué libéré par le 601ème Groupe d'Infanterie de l'Air, parti à Alger. Paradoxalement début juillet arrive sur la base une compagnie du 4ème Régiment de Tirailleurs Tunisiens, qui vient pour monter les gardes du terrain (poste nord, soute à essence, poste bombes, fort de Nogent-l'Abesse). Les Curtiss H75 arrivent sur la base tout aluminium poli, mais sont peints camouflés au Parc. Nous côtoyons les techniciens américains venus pour la "mise en route". Courant août, les Rémois (c'est mon cas) font des exercices dits "plan de ramassage". Equipés combat avec arme et masque à gaz, casqués, déposés en camion devant le monument aux morts (symbole?) nous devons à pied ou en vélo personnel réveiller en un temps limité les personnels logeant en ville, et qui seront attendus par les camions au même endroit. J'ai encore en mémoire l'adresse de l'adjudant Sébastien TARROQUE, chef de Hangar,134 BD Saint Marceau... Le 27 août 39 5H30, dernier exercice, qui est le "bon". A 9H30 l'échelon roulant quitte la base, à destination de notre terrain opérationnel, bref, de temps de guerre. |
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Photo/commentaire: J.Prott: en juillet 1939 arrive sur la base aérienne de Reims une compagnie de tirailleurs tunisiens chargée d’y monter les gardes à la place des Français en prévision de la guerre. Sur le cliché, Jean Prott a revêtu pour la photo la tenue de gala de caporal de tirailleur tunisien du caporal Rabah : plastron et boléro bleu azur avec des broderies jaune souffre, ceinture très large de couleur rouge et saroual plissé bleu roi, bandes molletières bleu marine aviation, chaussures sans clous ; sur la tête, la petite chéchia rouge en feutre. |
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Photo/commentaire:
J.Prott: Personnels de la 3ème
escadrille SPA 160 « Diable rouge » du Groupe de Chasse II/4
photographiés en mai 1939 sur la Base aérienne 112 de Reims devant les
baraquements utilisés alors pour le logement des hommes de troupe et des
mécaniciens de cette escadrille. Ces baraquements, situés le long de la voie de
chemin de fer à l’endroit de l'actuel parc à réforme, servirent longtemps au
logement des parachutistes du 601° Groupement
d'Infanterie de l'Air jusqu'à leur départ
pour Alger. |
L'échelon roulant
est arrivé de nuit au village de Xaffevillers (commune du terrain)
alors que nous étions attendus à Roville-aux-Chênes à 6 Kms et où
nous allons le lendemain. Ici logement dans un ancien couvent désaffecté
(paille, carreaux cassés, une pompe à main pour l'eau).
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Photo/commentaire: J.Prott: Septembre 1939 sur
le terrain de Xaffévillers. Travaux visant à la mise sur pied de moyens de
défense du terrain peu après le déploiement des escadrilles du Groupe de Chasse
II/4. On devine sur la droite une baraque et son camouflage. Sur le cliché, de
gauche à droite : Riolacci, le sergent Eiseman, Engrand et le maître-ouvrier
Jean Prott. Remarquer à gauche une mitrailleuse Hotchkiss modèle
1913. |
9
septembre 39: Mort du sgt JEAN, accident au décollage |
26 septembre
39: Mort du Cne CLAUDE, prise de commandement Lt VINCOTTE |
La
dureté des conditions de vie Tous les quinze
jours les samedi après-midi, la moitié de l'effectif passe à
la douche à la caserne des Chasseurs à Rambervillers, sauf en cas d'alerte, garde
ou boulot urgent. Les autres samedis, l'hiver le temps était trop
long et le froid trop intense pour dégeler la pompe du couvent.
On faisait alors fondre de la neige dans une gamelle pour se raser. A l'entrée de l'hiver nous avons touché une peau de mouton avec trou au milieu pour passer la tête et cordons à la ceinture de chaque côté. Vu la température c'était pour nous le plus beau des cadeaux. Couchage cadre de bois sur pattes avec grillage, paillasse, sac de couchage toile, trois couvertures (plus veste + capote), fenêtres moitié carreaux moitié cartons. Qu'il était bon l'édredon de chez soi! |
Jean Prott en tenue d’hiver de mécanicien. Remarquer sa veste en cuir qui présente la particularité d’être équipée de demi-manches supérieures boutonnées à pression à l’épaule afin de pouvoir le cas échéant être retirées, si des nécessités liées à l’exercice de la mécanique l’imposent (cette veste est dépourvue de manches inférieures). |
Ordres
au sifflet par le Chef de hangar, lapin, corbeau et chien Petit travers de
notre respecté chef de hangar Sébastien TARROQUE: la chasse. Après
la soupe de midi, pendant le temps de repos, il partait muni d'un
fusil de chasse. Tout le monde faisait semblant de sursauter à chaque
détonation entendue, mais personne ne le regardait au retour (c'est
toujours vexant de revenir bredouille devant 50 hommes et supérieurs). Le soir à la tombée de la nuit le caporal-chef CHAMOT, quand il était "en forme", poussait des cris de hibou et les vrais lui répondaient dans les sapins. Il élevait aussi un petit corbeau auquel, une fois grand, il a fait prendre le baptême de l'air dans le coffre d'un curtiss en mission; le pauvre en est mort, de froid ou de peur. Comme Pratt, l'un des deux chiens mascotte de l'escadrille, qui avait grandi à tel point qu'un jour sa tête fut happée par l'hélice d'un avion au point fixe. |
Des
distractions (quand même!) Des "quartiers
libres" existent le samedi soir, à tour de rôle, pour "ligne
droite à Ramber". Cinéma ou bal musette le long de la Mortagne.
Du fait des militaires et de la présence d'une compagnie de travailleurs
espagnols internés des Brigades Internationales (qui eux aussi sortaient),
la salle de cette guinguette s'était révélée trop exiguë. Une solution
avait été trouvée, le mur de la salle contiguë au café (une ancienne
grange très haute de plafond) avait été percé et une sorte de balcon
aménagé pour les musiciens, hors d'atteinte. Autre anecdote, le Cne ROZANOFF qui arrosait ses galons de commandant payait ce soir là la tournée générale, condition: " à la cosaque". Une fois les verres vidés et jetés par-dessus l'épaule, catastrophe, le bistrot n'avait plus de verres! Un jour à midi, surprise, arrive à déjeuner à la 3, invité par les pilotes, monsieur "CHARLOT" le patron du bordel de Rambervillers. Pantalon à pattes sur des sabots noirs bordés de rouge, veste à grand revers et poches en biais, petite casquette grise. Etait-ce l'uniforme de l'emploi? |
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Responsable
du magasin pièces détachées "avions" |
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Février/Mars
40:
Marignane Pour nous c'est
le paradis avec "lignes droites" à Marignane. L'arrivée
des avions à Marignane a été cause d'émotions. Le moteur de l'adjudant
PAULHAN se grippe au-dessus de l'étang de Berre. Train sorti et
volets ouverts pour atterrir il passe juste au-dessus des hangars
d'Air France. Examen, enquête technique: graissage insuffisant,
filtre à huile mal monté. Le mécano, DE LA CHENARDIERE, au trou,
carrière compromise. Consternation générale, un garçon si sérieux
et qui a l'habitude. A Marignane, chacun a pu suivre les essais en vol d'un prototype LIORE et OLIVIER, le LEO 100, surnommé "la limande" du fait de sa silhouette de profil: fuselage légèrement courbe, nez baissé. Une béquille à l'avant, deux roues à l'arrière carénées en bas des deux empennages verticaux. Il a explosé en vol devant les collines roses à droite de l'étang de Berre.
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Avril
40:
Retour à Xaffevillers |
10
mai 40:
Attaque du terrain Nous découvrons
"le Maudit" et CAVET qui dormaient au terrain, en pantalon,
chemise et casque, dans une tranchée-abri, inondés jusqu'au cou.
Alors qu'ils en sortent, des appels et gémissements nous parviennent
de la piaule des cuistots. CAPMARTY n'a pas jugé bon de se lever,
et il a le pied fracassé dans son lit. Je fais demi-tour avec le
camion pour foncer au Groupe chercher l'ambulance. 50 mètres plus
loin le Commandant BORNE arrive à pieds. Je stoppe et lui rend compte,
il me dit alors:"emmène le avec ton véhicule à Roville". Les braves faisant fonction d'infirmiers s'affairent aussitôt mais j'aime mieux ne pas dire quelles mesures ont dû être employées pour faire lever l'aspirant-toubib, soit disant grippé. CAPMARTY a dû être amputé. Libéré par l'âge d'obligations militaires, il avait accepté de faire 15 jours de "rab" pour permettre à HULIN d'aller en permission.
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12
mai 40:
Nouvelle attaque du terrain, départ pour Orconte Il y avait un "taxi" enlisé à peu de distance, en face de la tente PC. Au début du mitraillage, le soldat BEFFARA se cache dessous. Aussitôt le premier passage, il fonce et plonge sur un pilote dans le fossé de la tente. Bien lui en prend, car au deuxième passage l'avion prend feu. A la 4, hormis le sergent VINAY, tué, et les blessés, un mécano ne pourra pas dormir la nuit suivante. Le toubib lui retirera des dizaines d'éclats minuscules de la peau du dos, qui avaient traversé son cuir. Le sergent DANLOUP, blessé au bras, est évacué. Il ne pourra pas rejoindre, il sera requis pour commander des fantassins Belges en combat rapproché et sera prisonnier 5 ans. Le 13 mai de nuit,
l'échelon roulant quitte notre terrain pour Orconte (51), tous feux
éteints. |
28
mai 40:
Obsèques de DIETRICH et VILLEY |
7
juin 40:
Disparition du capitaine GUIEU L'avion dans lequel se trouvait le capitaine n'avait pas percuté le sol mais touché à plat ventre près de Mortefontaine (02) dans l'étang de la ferme de Vaubéron, propriété de monsieur Guy FERTE, aujourd'hui décédé. Celui-ci avait remis à la famille le porte-feuille du capitaine, son pistolet, son insigne de la Spa 160, la plaque d'identification de l'avion et une pale d'hélice. Des années plus tard lors d'une réunion d'anciens Diables Rouges à la BA 116 à Luxeuil, le colonel Max VINCOTTE m'annonce le décès du fils du capitaine GUIEU, célibataire, dans l'appartement duquel se trouve la pale d'hélice. Je lui suggère de confier la pale à la salle d'Honneur de la 3ème Escadrille (Diable Rouge) de l'escadron 02/004 Lafayette. Après l'accord de la famille, Max VINCOTTE me charge d'organiser la remise de la pale. La belle-soeur du capitaine remet la pale à une délégation composée des Officiers Traditions du 02/004 ainsi que trois sous-officiers. La pale n'est pas abîmée n'ayant touché que l'eau, mais a un cran au bord de fuite causé par une balle de mitrailleuse de capot (comme cela arrive à moins de 1500 T/mn). Par la suite la famille m'a remis à titre personnel la plaque d'identification de l'avion N°213, ainsi que l'insigne du capitaine qu'il portait sur lui, des photos et documents. Egalement pour le Musée d'Aviation de Vraux (51) dont je m'occupe, la tenue du capitaine (qu'il ne portait pas en vol), ainsi que sa tenue de l'école de Saint-Cyr en 1933. Elles figurent en bonne place dans la vitrine souvenir du II/4 au musée. Le capitaine GUIEU soulignait la reconnaissance et la considération des pilotes envers "la mécanique", j'ajoute que pour celle-ci, les pilotes étaient non seulement souvent des supérieurs, mais des Dieux, et tous avaient les larmes aux yeux lorsque l'un d'eux était descendu. |
12
juin 40:
Départ d'Orconte pour Pouan-Les-Vallées (10) (Cet équipage ira
jusqu'à Meknès après toutes sortes de tribulations; ravitaillement
en essence sur des avions abandonnés; pour l'estomac, ravitaillement
plus qu'incertain et à nos frais (dans une ville traversée il a
fallu sortir nos armes pour pouvoir acheter du pain. L'armistice
était demandé, donc les militaires avaient perdu la guerre... en
sortant de la boutique des réfugiés qui faisaient la queue voulaient
nous donner de leur pain, eux "ils savaient". Lors d'une
halte, nous découvrons BUSQUET les mains et le visage griffés. Des
évacués lui avaient lancé un chat. Heureusement il avait réussi
à le rejeter dans un cabriolet qui passait). |
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13
juin 40:
Départ de Pouan-Les-Vallées pour Auxerre/Monéteau (89) |
15
juin 40:
Dun-sur-Auron (18) |
16
juin 40:
Disparition du commandant BORNE |
17
au 25 juin 40:
Départ pour Marseille par véhicules isolés (comme depuis le 12 juin), et
traversée vers l'Afrique (armistice demandé le 16 juin et signé
le 24). Le cargo qui nous
reçoit embarque à fond de cale comme lest des lingots d'étain recouverts
d'énormes balles de coton puis d'un lit de véhicules. Idem pour
la cale supérieure. Dans l'entrepont des véhicules et des hommes
(environ 1300). Sur le pont, couvert de véhicules non arrimés, pare-chocs
à pare-chocs, ceux qui comme moi préfèrent voir venir de loin, bref,
tout le personnel du II/4 au sol. Le 21 au soir le convoi se forme
en rade: 16 cargos et le paquebot "Platon" qui emmène....des
personnels des services du port de Marseille... Le convoi est parti
de nuit, escorté parait-il par un ou deux torpilleurs. Trois navires
de front, espacés d'un kilomètre. Devant les fumées de 3 autres,
derrière également 3 fumées. Nos pilotes en train de traverser aux commandes de leurs Curtiss ont vu le convoi mais inversement, nous pas. Le 25 au soir, arrivée à Oran à quai. Interdit de débarquer. PEDROSA de la 4 se laisse glisser le long d'une aussière. Il ne déserte pas, il est pied-noir, alors il arrivera avant nous à Alger. Le lendemain appareillage pour Alger, Oran étant déclarée ville ouverte. 27 juin débarquement à Alger d'hommes assoiffés et que voit-on sur les quais? des montagnes de fûts de vin! aussi les intoxiqués "en manque" débarquent-ils avec chignoles et forêts de 6 mm. Les véhicules seront débarqués le lendemain. En attendant dépôt des Isolés Métropolitains (D.I.M.) Logement en sous-sol humide, une natte par terre ou grouille les cafards. Incident violent
entre l'adjudant-chef TARROQUE et le sergent DECKER, qui est en
rage permanente, ses biens, sa famille, sont en territoire maintenant
Allemand. La France est selon lui responsable.
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Juillet 40:
Meknès |
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Arrivée à Meknès, dans la superbe caserne du 21ème Zouave. Lits, douche, bouffe "super", vin glacé: le Paradis! mais seulement 2 jours. Ensuite direction la BA 207, piaules pour certains, paillasses dans les hangars pour d'autres. Un jour le soldat ROLLAND de la 4 trouve sous sa paillasse un serpent de 1m10 qui dormait. Plus tard à l'autre bout du hangar on trouve une Croix de Guerre avec laquelle jouaient les souris après avoir grignoté l'écrin. Les soldats réservistes voudraient être démobilisés. Pour eux la guerre est finie et cet état d'esprit prendra racine les mois qui suivent avec la démobilisation successive des rappelés, des appelés classe par classe, et même des engagés entre "telle date et telle date". Plus de vols, plus de travail, on démonte les radios et armes sur les "taxis" que l'on remorque ensuite au "cimetière" le long de la route Boufkrane-El-Hajeb (Dewoitine 500, avions civils divers, entre autres un petit Caproni tout neuf) |
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Photo/commentaire: Jean Prott le 4 juillet 1940 sur la terrasse du 21ème Zouave à Meknès. Nouvelle veste (cette fois Armée de l'Air), mais galons non cousus, et en...espadrilles. |
Le 3
juillet 40, catastrophe! Mers-el-Kébir, désastre de la flotte française,
conséquences incalculables pour la suite de la guerre en matériel
et surtout en hommes, à cause du moral. Le 6 juillet a lieu
une deuxième attaque du site, cette fois aérienne, qui fera 150
morts. |
Le 12 mise au point des tenues, coupe de cheveux, équipements, car demain on part à Rabat avec le drapeau de l'Escadre et sa garde pour la prise d'armes du 14 juillet, avec la remise des décorations, dont celle de VASSEUR. Les pilotes sont partis en avion, nous avec le Matford 4808 conduit par PHILIPPOT. Je fais partie de la garde au Drapeau, avec le Capitaine DE DURAT porte-drapeau, l'adjudant-chef TARROQUE, l'adjudant-chef METZ, le sergent BARTHELEMY et le soldat PHILIPPOT. Longue attente en plein soleil sur la piste en ciment. L'adjudant-chef TARROQUE, devant moi, devient violet et me dit en roulant les "r": "PRRRRROTT, on va crrrrrrrever". Heureusement le général VUILLEMIN arrive dans un Goeland qui s'arrête très près derrière la troupe présentant les armes. Le pilote coupe ses moteurs mais l'un prend feu sur un retour. Panique chez les soldats devant. Fin juillet des affectations provisoires sont réparties. Par instructions de Vichy les officiers et sous-officiers d'origine Juive ou Francs-maçons sont suspendus. Je suis détaché comme Chef de Garage de la BA 207, qui compte une trentaine d'hommes, la plupart conducteurs, dont BEFFARA et PHILIPPOT de chez nous. Véhicules de transport en tous genres, semi-remorques, voitures d'Etat-Major, de liaison, ambulances. Certains jours les 3 semi-remorques (deux Ford et un Fargo) font la navette avec le "Km10" pour approvisionner en bombes des bombardiers (de Meknès, Tafaraoui, La Sénia) LEO 45, Douglas, Glenn Martin, qui allaient bombarder Gibraltar vraissemblablement en représailles. Un jour une bombe (non amorcée) est tombée du camion, en ville, avec le soldat Marocain assis dessus. Une autre fois BEFFARA avec le semi Fargo est tombé en panne d'essence en travers des voies ferrées. (heureusement il n'y avait que deux trains par jour). Cette affectation comme Chef de Garage était un mauvais coup à ma destinée, mais j'avais demandé à faire quelque chose. Quelle erreur! |
Aout 40:
La punition, l'accident, la Légion Ordre de préparer tous les véhicule pour départ le 31 août pour Casablanca, au stockage. Je suis fatigué, et en rage pour ma nuit passée en prison. Je voulais conduire le Matford 4765 que j'avais ramené de France, mais c'est un officier inconnu qui le conduit, responsable du convoi (alors qu'il n'a pas le permis PL); je prends alors le fameux Panhard-Magasin de la 3. A 7H30, après arrêt casse-croûte à Khemisset, à la sortie du village dans la ligne droite je perds connaissance. Le cinquième arbre est le bon. A 10H00 je reprend
connaissance sur le sommaire billard du médecin de Khemisset, inondé
de sang. Le toubib est en tournée... enfin il revient, remet en
place le cuir chevelu retrouvé quelque part, pansement sommaire
et en route dans la cabine (un comble!) du Matford 4765 pour l'hôpital
de Rabat. Arrivée à 14H00, à 18H00 toujours pas vu un toubib: je
fais un scandale, mais...ils
sont partis! Huit jours après, unique et première visite médicale. Puis Bureau Sortant, je suis affecté à.... la 2ème Cie du 1er Bataillon du 2ème Régiment Etranger, à Salé (la Légion!), par Ordre Général du général NOGUES (Résident Général au Maroc) pour ceux qui sortaient de l'hôpital militaire. Je suis désemparé. De plus, sans cheveux, j'ai l'air d'un évadé du bagne. Traversant Rabat à pieds j'aperçois sur la plate-forme d'un bus le Cne ENGLER. Surpris je n'ai pas le réflexe de l'appeler. Il aurait sûrement pu me faire affecter en escadre. A la Légion je suis bien reçu, habillé de neuf, gradé caporal à titre temporaire. Arrivent là des hommes de la 13ème DBLE et des Chasseurs Alpins revenant de Narwick par l'Angleterre. Et aussi des matelots de la Royale, faits prisonniers par les Anglais sur leurs bâtiments en Angleterre, internés à terre puis refoulés vers Casablanca sur un vieux bateau pourri. Ils ont une "certaine opinion" de la valeur des alliances internationales. Plus tard lors d'une séance gratuite de cinéma pour la Légion à Salé, je tombe sur PHILIPPOT en civil. Il a été démobilisé et travaille à Air Maroc. Il me cherchait, et m'apporte une lettre d'une jeune fille rencontrée à Alger qui m'offre l'adresse de ses parents pour me faire démobiliser là-bas. Elle a un nom de circonstances: Andrée LAGUERRE. Le lendemain je refuse mon engagement à la Légion, et retourne à la BA 207, où j'étais compté comme mort, au retour de l'épave du Panhard. Restitution de toutes mes affaires, celles personnelles ayant été gardées par les Rémois pour donner à ma famille. Le Garage a été repris par un sergent-chef du service général assisté d'un caporal-chef sous le lit duquel je retrouve mes (belles) chaussures à l'intérieur desquelles j'avais écrit: "volées à PROTT". |
LA
FIN J'en ai pleuré. |
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